L’arrêté du 3 avril 2020, publié au JORF sous ne n° 0083 du 5 avril, pris par Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieure et qui porte sur « la certification en langue anglaise pour les candidats inscrits aux diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et au diplôme universitaire de technologie » compromet gravement le développement de la politique linguistique spécifique qui conditionne l’avenir de l’Alsace et celui des jeunes générations.
L’arrêté de Madame VIDAL qui conditionne la délivrance de l’ensemble des Licences, licences nationales et professionnelles ainsi que des diplômes universitaires de technologies à une certification obligatoire en langue anglaise prévoit en outre que cette certification en langue anglaise fera l’objet « d’une évaluation externe et reconnue au niveau international et par le monde économique », amputant de ce fait les droits généralement reconnus à l’Université.
Cet arrêté imposant à tous nos étudiants de l’enseignement supérieur l’obligation de suivre un enseignement de l’anglais est une atteinte à leur liberté de choix, va à l’encontre de la nécessaire diversité linguistique prônée au sein de l’Union Européenne et viole ouvertementles engagements pris par la France dans le cadre des accords de coopération qui fondent l’approfondissement de l’amitié franco-allemande récemment réaffirmée à Aix-La- Chapelle.
Cet arrêté aura surtout de lourdes sur la mise en œuvre de la politique linguistique poursuivie en Alsace depuis des décennies.
Cette politique linguistique spécifique a pour objectif d’offrir à tout enfant l‘accès au plurilinguisme en s’appuyant sur un enseignement précoce de l’allemand et en allemand à parité horaire dès l’entrée en maternelle et qui se prolonge tout au long de la scolarité en lycée quelle que soit l’option choisie par la famille.
La généralisation de cette éducation bilingue se heurte depuis des années à l’insuffisance du nombre de maîtres bilingues formés pour enseigner dans le cycle élémentaire et dans le cycle secondaire.
L’entrée en vigueur de cet arrêté rendant obligatoire l’enseignement de l’anglais ne peut qu’amplifier la pénurie de compétence en allemand des étudiants et portera un préjudice inacceptable à la mise en œuvre de la politique linguistique pour l’Alsace qui a fait l’objet d’une convention liant la Région et l’Académie de Strasbourg en 2018.
Cet arrêté, par ses effets, est une nouvelle atteinte à la personnalité de l’Alsace, qui repose sur le renforcement de son assise culturelle passant par une rapide généralisation de l’enseignement bilingue paritaire franco-allemand avec la nécessaire ouverture sur la richesse dialectale. Il nuit gravement à l’ouverture de l’Alsace et à son rayonnement dans l’espace du Rhin Supérieur et porte préjudice à l’avenir de la jeunesse en contrariant son intégration économique sur le marché de l’emploi transfrontalier qui offre du travail à près de 60 000 frontaliers se rendant quotidiennement en Allemagne ou en Suisse.
Cet arrêté ministériel illustre tragiquement l’incapacité du pouvoir central à prendre en compte les réalités alsaciennes. Il est la résultante de la nouvelle organisation déconcentrée de l’Etat dans le domaine éducatif avec l’instauration du recteur de la région Grand Est et la nomination d’un recteur délégué à l’enseignement supérieur qui siègent à Nancy. Une telle organisation inféode le recteur de Strasbourg et le relègue à un rang de vice-recteur.
Il est urgent de retirer sans délais cet arrêt.
Paul Higi, ancien directeur de l’Éducation et de la Formation au Conseil régional d’Alsace