Religion

Au-delà du Concordat, esquisse d’une voie nouvelle autonome

« Qu’on accorde à ce peuple tout ce qu’il lui plaît de demander. Qu’on lui laisse sa langue, ses écoles, ce statut religieux auquel il s’attache peut-être à tort ».

                                                                              Frédéric Hoffet, Psychanalyse de l’Alsace

Philosophie

Entre un régime concordataire, qui allie les Églises et l’État, et une laïcité « à la française », qui les sépare, il y a, au-delà des aspects sociaux, une différence fondamentale d’esprit ou de sens. Deux conceptions opposées de la religion et de son avenir. La philosophie implicite du Concordat reconnaît dans les religions une composante essentielle de la civilisation ou, plus franchement, si vous voulez, un outil indispensable de la cohésion sociale, de l’ordre moral et public. Comme telun outil institutionnel d’intérêt général. La vertu de la religion, sa fonction, est de former les consciences et de discipliner les mœurs, d’encadrer tout particulièrement la vie familiale, donc l’éducation des parents et des enfants. Foi en une « éducation religieuse de l’humanité ». Conviction de sa nécessité.

Pour tous ces services d’intérêt général que rendent dans nos nations européennes les membres du clergé, prêtres, pasteurs, rabbins et, demain, imams, il est normal qu’ils soient fonctionnarisés, au même titre que les enseignants, les éducateurs, les animateurs culturels, et convenablement rétribués, de sorte qu’ils puissent se consacrer pleinement à leur mission. Les fonctionnaires, dûment formés, ont des droits et des devoirs précis qu’il faut expressément  rappeler à chacun et faire approuver par serment. Le Concordat accorde des garanties et des privilèges à la religion et à son clergé, il établit la légitimité des Églises, mais c’est l’État qui a la main, qui domine et autorise, c’est lui qui contient (dans les deux sens du mot) la religion, et non l’inverse, non la réciproque. Vues sous cet angle, les postulations du Concordat (1801) et les lois françaises de la laïcité (1905) ne s’opposent pas. L’une et l’autre non seulement établissent soigneusement une séparation des deux ordres, l’ordre religieux et l’ordre politique, mais placent le gouvernement des églises (ou communautés religieuses) sous le contrôle du gouvernement politique ou de la puissance « supérieure » de l’Etat (qu’il soit de forme républicaine ou monarchique).

Les évêques, ainsi que les présidents des Consistoires protestants, sont formellement nommés par des instances au sommet de l’État et naguère ils prêtaient un serment de fidélité au gouvernement. L’administration extérieure des cultes relève en France du ministère de l’intérieur. Chose révélatrice, qui étonne toujours ceux qui ne connaissent pas bien l’histoire.

Histoire

Rattachée à l’empire allemand en 1871, l’Alsace garda cependant le régime concordataire, tel qu’il fut conçu et institué en 1801 par Napoléon Bonaparte à la suite de négociations tendues avec le pape, et elle échappa ainsi aux lois françaises de la laïcité promulguées en 1905 par la République. La philosophie sous-jacente, non affichée, de ces lois est singulière et toute autre que celle du Concordat. La religion n’est plus comprise comme un soubassement de la civilisation, mais comme une superstructure, vestige, survivance des temps anciens, du « moyen âge », veut-on croire, ou d’un âge théologique de l’humanité qui déjà s’effacerait pour faire place à un âge positif animé et éclairé par la science. Article premier de la loi : la République assure la liberté de conscience et elle met à égalité croyance religieuse et incroyance. Certes, elle garantit le libre exercice des cultes, mais n’en reconnaît et n’en subventionne aucun. Ou, ambiguïté, soit dit dans l’autre sens : elle ne reconnaît aucun culte, mais garantit le libre exercice de tous. Les ambiguïtés du texte de loi, d’un article à l’autre, trahissent l’embarras des législateurs, obligés, malgré leurs convictions, de tenir compte de la réalité sociale des religions et ne pouvant pas les refouler et les enfermer dans la seule sphère privée. Mais c’est bien, à part eux, sur un dépérissement de la religion à moyen terme qu’ils tablent, on le sent, la laïcité est le masque poli, politique, de l’athéisme – ou de ce positivisme hérité d’Auguste Comte, constitutif de l’idéologie française. Ce qu’ils concèdent aux formes existantes de la vie religieuse n’est dans leur esprit que transitoire tolérance.

Après la Grande Guerre, quand l’Alsace retourne à la France et que le président radical-socialiste du gouvernement, Edouard Herriot, veut mettre l’Alsace et la Moselle au pas de la laïcité, 21 députés alsaciens lorrains, sur 24, protestent énergiquement, et 675 conseils municipaux sur 943. A Strasbourg, place Kléber, 50 000 personnes manifestent. (Nous n’étions que 10 000 le 11 octobre 2014, Place de Bordeaux.) Le gouvernement radical-socialiste fit marche arrière.

La Constitution de la IVe République, en 1946, réaffirme le principe de laïcité et l’applique dans les établissements scolaires. En 1958, la laïcité est gravée dans la Constitution de la Ve République. Article 2 : « La France est une république laïque. » Mais l’Alsace, malgré tout, conserve « son » Concordat. Une épine dans le pied des divers groupements jacobins, laïques intégraux.

Politique

Régulièrement, « l’anomalie » alsacienne est dénoncée, menacée. Tremblement dans le pays. Que va-t-il rester de notre Droit local dans la région Grand Est ? Et puis, non moins régulièrement, un ministre de la République, le ministre de l’intérieur, ou le président du Sénat lui-même, viennent tranquilliser les Alsaciens, les féliciter, les flatter, leur tenant à peu près ce langage : Vous n’avez rien à craindre, vous nous offrez même, avec le Concordat, un exemple de cohabitation des religions et d’instauration d’un dialogue interreligieux que la France de l’intérieur, comme vous dites si bien, va méditer. Elle pourra s’inspirer à l’avenir de certaines de vos dispositions bienveillantes. Loin d’être menacé, votre Concordat se trouvera renforcé et nous aidera à amender les lois de la laïcité de 1905. Donc, tranquillisez-vous, chers Alsaciens, et votez conservateur.

Ce petit jeu tactique de menaces, d’un côté, et de réassurances et flatteries, de l’autre, se répète depuis des décennies et… bloque toute évolution. Dans la situation où on les met ainsi, les Alsaciens sont poussés à se crisper sur l’acquis et à s’estimer « encore heureux » qu’on leur laisse ce qu’ils ont. Ils s’accrochent au Concordat et plus largement au « Droit local » comme à un symbole, comme à une marque de leur identité, et non vraiment comme à une réalité dont la jouissance leur serait vitale et qu’il leur appartiendrait de faire évoluer.

Soyons francs, en la forme qu’il a gardée, en l’apparence qu’il a prise, le Concordat indiffère le gros de la population ; il se résume aux privilèges dont bénéficie le clergé des trois religions officielles reconnues. Aussi sa cause est-elle devenue discutable, difficile à défendre. La plupart de ses dispositions ne correspondent plus aux réalités religieuses et sociales de l’heure, à ce que les gens vivent. La religion ne réussit plus et ne sert plus à structurer les mœurs, à brider la sexualité, par exemple, et à soumettre le peuple à une autorité spirituelle, complice du pouvoir temporel. Il paraît incongru que les affaires de la religion continuent à relever du ministre de l’intérieur, que celui-ci, et non le ministre de la culture, soit le « ministre des cultes ». Et on peut comprendre que les « incroyants » ou les agnostiques jugent insupportable que la rémunération du clergé alsacien – et mosellan – soit à la charge de l’État, donc de tous les Français. Les militants de la laïcité ont donc beau jeu de s’indigner, de dénoncer ces privilèges et de souligner qu’ils contreviennent au principe républicain de l’égalité des territoires.

Prospective

Une solution possible, déjà adoptée dans de nombreux pays, serait le prélèvement d’un « impôt d’église » que payent ceux qui veulent bénéficier des « prestations » d’une église, ne serait-ce que dans les grandes occasions, baptême, mariage, obsèques, ou encore ceux qui sans croire peut-être se sentent solidaires des religions et disposés à soutenir leurs actions sociales, éducatives et culturelles. Une région comme l’Alsace, dont la philosophie et la tradition ne sont pas celles de la laïcité à la mode française, devrait avoir la possibilité, le pouvoir, de procéder en la matière comme elle l’entendrait, comme elle en aurait décidé démocratiquement. Imaginez cela, pensez à ce que cela implique : une certaine autonomie, évidemment, de larges compétences générales, le pouvoir exécutif de lever soi-même des impôts spécifiques. Intolérable. Impossible. Impossible est français. Jamais la France ne permettra… « La France n’est pas un pays fédéral », la France est une « nation indivisible », mêmes lois, mêmes pratiques, même et unique langue partout, même culture. La France n’est pas un pays multiculturel. Il ne faudrait rien moins qu’un effondrement, une implosion de la Ve République, une révolution… le chaos. Jamais ! Il y a des révolutions de velours…

Pour autant, si nous pensons, contrairement à l’esprit particulier de la laïcité à la mode française, que les religions sous des formes diverses sont des réalités anthropologiques inaliénables, qu’elles font partie de la vie intérieure et de la vie sociale des hommes, il paraît bon qu’elles soient protégées par l’État et que celui-ci, instance dominante et responsable, favorise leur pratique et, comme généralement elles sont plusieurs et rivales, veille à leur coexistence pacifique. Les religions produisent des biens, spirituels et psychiques, de la morale, de la consolation, de la santé mentale, sinon des névroses, diront les esprits forts, admettons les deux, admettons, bien que ce soit invérifiable, qu’elles produisent plus de santé que de névroses, plus de joie que de tourments, qu’elles produisent des liens, de la communauté, et qu’elles font baisser le taux de solitude. Comme tel, ce fonctionnement des religions demande un personnel (un « clergé ») formé, compétent, et il a un coût. La profession de curé ou de pasteur n’est pas dans nos sociétés une profession libérale. Est-ce à la collectivité entière, moyennant l’administration de l’État, de financer ce coût, comme le stipule le Concordat napoléonien, ou est-ce seulement aux croyants déclarés qui bénéficient ou peuvent bénéficier des services produits ? Dans les sociétés modernes, où les incroyants sont nombreux et légitimes, la solution la plus équitable, adoptée dans de nombreux pays, est le prélèvement d’un « impôt d’église » que payent ceux qui veulent, en toute connaissance de cause.

Jean-Paul Sorg

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Mosquée de Strasbourg : ne déformons pas le droit local

Le contexte dans lequel se développe la discussion suscitée par la décision de la Ville de Strasbourg d’apporter un soutien financier à l’association religieuse Millî Görüş aboutit à une interprétation doublement erronée du droit local alsacien-mosellan en ce qui concerne le financement d’organisations cultuelles.

D’une part, certains commentateurs laissent entendre que les collectivités locales alsaciennes et mosellanes seraient « souveraines » pour décider de l’attribution de telles aides et, d’autre part, un journal parisien publie un avis selon lequel en Alsace et Moselle de telles subventions ne pourraient être attribuées qu’aux seuls cultes dits reconnus. Deux interprétations contradictoires également fausses.

Il n’existe dans le droit particulier d’Alsace et de Moselle aucune disposition régissant de façon générale l’attribution de subventions publiques à des institutions cultuelles. Ce droit local ne comporte que des dispositions rendant légalement obligatoire certaines formes de soutien financier à certains cultes, à savoir les cultes statutaires. Ces dispositions sont précises et d’interprétation stricte. On ne peut en déduire, et on n’en a jamais déduit, l’interdiction de faire bénéficier une institution cultuelle, statutaire ou non, d’autres formes d’avantages financiers. En dehors des règles légales définissant les aides dues aux cultes statutaires, les collectivités publiques d’Alsace et de Moselle ont de tout temps attribué des aides financières diverses à des cultes divers. Cette pratique n’a pas été censurée par le Conseil constitutionnel : dans sa décision du 21 février 2013, il n’a élevé aucune réserve à l’encontre d’aides financières à des organisations cultuelles en dehors du salariat de ministres du culte, seule modalité dont le développement se trouve limité par cette décision. Par conséquent, l’interdiction d’attribuer des subventions publiques à des organisations religieuses repose uniquement sur une loi de droit général, la loi du 9 décembre 1905, qui n’a pas été rendue applicable en Alsace et Moselle. C’est en raison de cette non-introduction que les collectivités publiques peuvent allouer, sans exclusion de principe, des aides financières à des organisations religieuses dans nos trois départements.

Mais une telle faculté ne signifie pas que des subventions aux cultes puissent être décidées de manière discrétionnaire. Toute dépense publique et donc aussi toute subvention doit être justifiée par un motif d’intérêt général. Ceci vaut aussi pour les subventions ayant un objet cultuel, comme l’a rappelé le tribunal administratif de Strasbourg. Faciliter les pratiques cultuelles peut présenter un caractère d’intérêt général du point de vue des autorités publiques dans la mesure où cela peut contribuer à l’ordre public, la paix sociale, la bonne intégration des populations concernées et au développement d’un rapport de confiance entre les autorités publiques et le mouvement culturel concerné. Pour chaque subvention publique demandée par une association religieuse, il revient à la collectivité publique de vérifier l’existence d’un intérêt général de ce type. Le souci de ne pas procéder à des discriminations a priori entre les cultes ne saurait écarter la nécessité d’un examen cas par cas pour déterminer si la condition d’intérêt public est satisfaite. Une délibération de collectivité territoriale ne saurait décider l’attribution systématique dans les mêmes conditions de subventions publiques d’ordre cultuel sans examen de chaque demande particulière pour vérifier qu’elle présente bien un intérêt public proportionné à la dépense envisagée. La collectivité qui octroie la subvention peut subordonner celle-ci à des conditions dès lorsque celles-ci sont en relation avec la garantie ou l’optimisation de l’intérêt public qui constitue la condition de la légalité de la subvention.

Au total, dans le système alsacien-mosellan de gestion des cultes, les collectivités publiques se voient dotées de pouvoirs élargis pour contribuer à la paix religieuse et au respect des attentes spirituelles de notre population. Il y a une continuité dans la philosophie qui inspire le régime des cultes statutaires (appelés parfois « concordataires ») et le souci de traitement équitable des nouveaux cultes. Ce fil conducteur, c’est le « donnant-donnant » : les collectivités publiques font un effort pour prendre en compte les attentes des organisations cultuelles, mais en échange elles attendent de ces dernières qu’elles fassent un effort pour répondre aux attentes des collectivités publiques.


Jean-Marie Woehrling
Président de l’Institut du droit Local alsacien-mosellan

Non, il n’y a pas d’antisémitisme politique en Alsace !

Face aux insinuations concernant un soi-disant « antisémitisme alsacien » et aux tentatives récurrentes d’instrumentaliser des délits antisémites contre les revendications régionalistes, les messages suivants ont été présentés à la presse le 10 décembre dernier. Les DNA en ont d’ailleurs fait un excellent compte-rendu.

  • les profanations de cimetière sont des délits odieux qui doivent être sanctionnés sévèrement par la justice dès que les coupables seront arrêtés (sans mansuétude ni laxisme)
  • les commentaires associant l’Alsace ou les Alsaciens à ces faits commis par des individus sont inacceptables (culpabilité collective, ‘haine de soi’ anti-alsacienne, amalgame entre dialecte et nazisme, etc.)
  • le judaïsme fait partie intégrante du patrimoine culturel alsacien, et son statut juridique doit être respecté (comme celui des autres religions « reconnues »)
  • une politique d’enseignement de l’histoire et des langues régionales (y compris le yiddisch/judéo-alsacien) est la mieux à même de lutter contre la xénophobie, l’intolérance et l’antisémitisme
  • l’antisémitisme n’est pas « national » ou « régional », comme le prouve l’affaire Dreyfus (Juif alsacien…à la fois Allemand et Juif pour ses accusateurs), mais un phénomène qui ne connaît pas de frontières de pays ni de classe
  • il appartient à l’Etat, qui refuse tout transfert de compétence aux collectivités territoriales en matière pédagogique, d’inscrire dans les programmes scolaires l’héritage juif de l’Alsace (en partenariat avec la future CeA)
  • en cette période de Noël, les chrétiens savent les liens qui les unissent à la religion ‘aînée » et condamnent avec force les sentiments de haine contre ceux qui partagent la foi « originelle » de Jésus.       

Non, l’antisémitisme ne fait pas partie de l’identité politique et culturelle de l’Alsace. Notre projet pour l’Alsace vise à valoriser notre patrimoine sous toutes ses formes, y compris celui apporté par les religions qui coexistent pacifiquement sur nos terres. Et les élus du Grand Est qui instrumentalisent ces actes afin d’éteindre toute revendication alsacienne devraient avoir honte d’utiliser de telles méthodes.

Offensives laïcistes contre l’enseignement religieux en Alsace et Moselle

Par Ernest Winstein, chroniqueur et théologien, 24 avril 2016.

winsteinA peine l’ubuesque nouvelle région vient-elle, dans la douleur, de se donner un nom, que les laïcistes (la représentante de la Ligue des Droits de l’Homme en est) sont repartis à la charge pour demander l’abolition du statut de l‘enseignement religieux en Alsace et en Moselle. Ce positionnement qui prend l’allure d’une idéologie quasi religieuse n’est pas nouveau. Déjà en 2014 , et sans attendre que tombe le vote final décrétant la dilution de l’Alsace dans un grand ensemble dit régional, les laïcs radicaux étaient montés au créneau.

Retour à l’année 1924 ?

On se croit revenu en 1924 lorsque Edouard Herriot, devenu président du Conseil, dans son premier discours à l’Assemblée, promettait que le gouvernement « interprétera fidèlement le vœu des chères populations enfin rendues à la France en hâtant la venue du jour où seront effacées les dernières différences de la législation entre les départements recouvrés et l’ensemble du territoire de la République ». Il était en réalité très loin de ce que souhaitaient ces chères populations : peu de temps après, 50 000 personnes manifestaient à Strasbourg pour la conservation de la législation en vigueur.

Le temps est-il venu de mettre un trait sur ce particularisme auquel la grande majorité des Alsaciens (et Mosellans) sont attachés ? Oui, dans l’esprit d’un positionnement républicain qui exigerait le nivellement de tous les citoyens. Non ! Au nom d’une République qui respecte les régions, leur histoire, leur culture, tout ce qui en fait un tissu vivant.

D’ailleurs, au nom de quoi les laïcistes s’autorisent-ils à intervenir sur le statut scolaire ? Au nom de l’esprit démocratique et des Droits de l’Homme souvent mis en avant, c’est à la population de la région qu’il appartient de décider – de cette région que l’on s’est empressé de faire disparaître.

Décidément, le temps est loin où le professeur Etienne Trocmé, alors promoteur d’un socialisme d’esprit humaniste, proposait la création d’une Faculté d’Etat pour l’étude de la religion musulmane, à côté des facultés catholique et protestante…

Le statut scolaire actuel permet de tenir un enseignement religieux mis en œuvre par des enseignants dont la formation est assurée de manière rigoureuse et professionnelle et qui n’a rien d’un endoctrinement religieux. Les élèves inscrits sont tenus d’y assister. Mais l’enseignement religieux, contrairement à ce que prétendent les laïcistes, n’a rien d’obligatoire, puisqu’en début de scolarité les parents sont libres d’y inscrire ou non leurs enfants. Les statistiques invoquées par les opposants ne disent pas grand-chose de la situation réelle. La fréquentation des cours de religion dans les écoles a toujours été fluctuante et dépend souvent de l’organigramme des enseignements dispensés dans l’établissement : les nombreuses options souvent proposées peuvent être un handicap pour le cours de religion. On a pu relever un vrai renouveau quant à la participation des élèves dans les années 2000 lorsque la formation des intervenants en cours de religion a été organisée de manière plus systématique. Notons encore qu’on connaît des situations où les intervenants de l’une ou l’autre confession assurent l’enseignement aux élèves d’une même classe, inscrits et appartenant aux deux confessions chrétiennes.

Le régime de la laïcité hors Alsace-Moselle

Hors de l’Alsace et de la Moselle, la séparation Eglises – Etat selon la loi de 1905 – a engendré des résultats surprenants. Pour ne citer que la situation en Bretagne, l’on a vu des cités entières se diviser entre tenants de l’école laïque et tenants de l’école privée. Je nommerai au besoin ce grand village où les enfants d’âge scolaire se séparent en proportion égale entre l’école privée catholique (où l’on retrouve les enfants des familles plutôt aisées) et l’école laïque. Il tiendrait de la pure logique que des regroupements d’élèves se fassent pour une plus grande efficacité de l’enseignement et une gestion saine des frais incombant à la municipalité –  pour la paix de la cité, celle-ci se voit obligée de partager ses subventions entre les deux écoles.

Notre système alsacien-mosellan est de loin plus performant – étant entendu que le culte musulman devrait y trouver sa place – puisque rares sont les écoles strictement privées.

Quant au statut des cultes, mis en place par le Concordat et des « Articles Organiques », et conservé en Alsace et en Moselle, on peut arguer qu’il serait logique que les départements d’Alsace-Moselle soient les contributeurs financiers. Mais tout changement en profondeur suppose que la population régionale concernée soit consultée et que l’on s’autorise un vrai débat. La région, si elle était dotée d’un système de gestion autonome des charges, pourrait, le cas échéant, se voir confié le prélèvement des impôts destinés à financer les cultes. Le système socialiste actuel n’a cependant rien résolu en profondeur quant aux compétences des régions. Et la fusion ne fait qu’ajouter à la confusion.

En conclusion

Nous ne remettons pas en cause le principe même de la laïcité instaurée par la législation française. Notre statut scolaire est un aménagement régional concédé aux trois départements d’Alsace-Moselle. Il ne met pas en cause la législation. Les institutions religieuses n’interviennent pas dans le fonctionnement de l’Etat. Que les détracteurs de la réglementation scolaire soient rassurés… et qu’ils s’autorisent une réflexion digne d’un véritable jeu démocratique !