Mois: décembre 2019

Permanence de l’ostracisme anti-alsacien

Jean-Marie Woehrling, président de l’Institut du Droit Local et membre fondateur du CPA, dénonce les propos de certains responsables politiques qui instrumentalisent les actes visant la communauté juive pour présenter les Alsaciens comme obscurantistes et antisémites.

La littérature consistant à accuser la population alsacienne d’être antisémite et d’avoir des sympathies pour l’extrême-droite, voire d’avoir des collusions avec les mouvements néonazis correspond à un fil continu dans la presse parisienne alimentée par les médias locaux et soutenue par certains intellectuels alsaciens fidèles à la stratégie du dénigrement de leur propre camp pour être bien considérés par l’élite parisienne. Depuis 20 ans, le journal Le Monde publie régulièrement des articles stigmatisant une population alsacienne votant pour l’extrême-droite et noyautée par des courants  qui diffusent une « nostalgie suspecte ».  L’attachement à l’identité locale et le souhait du renforcement de l’autonomie régionale, considérés comme des courants sympathiques et positifs quant il s’agit d’autres régions, deviennent pour l’Alsace « repli identitaire » et sympathies germanophiles, donc protofaschistes. Selon ces amalgames inlassablement répétés, cette culture et ces traditions seraient depuis le Moyen-âge profondément antisémites sans que rien n’ait vraiment changé faute d’un aveu collectif et d’une épuration efficace. D’ailleurs, cette population n’aurait jamais fait son autocritique après sa cohabitation, présentée comme forcée mais de fait diligente, avec le régime nazi. Encore maintenant, elle cherche à disculper les siens qui ont combattu dans les unités SS. Le devoir de mémoire devrait la conduire à reconnaitre ses crimes collectifs, mais elle refuse d’examiner son histoire et se complait dans des aspirations antifrançaises (la défense de la langue allemande, la collaboration avec l’autre coté de la frontière, la critique des institutions françaises présentées comme jacobines, etc..).

On pourrait multiplier à l’envi les exemples de ce genre de condamnations. Elles étaient systématiques après la 2e guerre et sont arrivées à un paroxysme avec le procès d’Oradour. Mais encore dans une période récente, Robert Grossmann a accusé de pangermanisme les auteurs alsaciens les plus réputés (Weckmann, Finck, Winter). Le manifeste Identité et Liberté qui protestait contre l’amalgame fait dans la presse entre culture régionale et extrême droite a été qualifié, sans la moindre amorce de justification, d’antifrançais et d’antisémite. Le mouvement Unser Land peut multiplier les déclarations de solidarités avec les réfugiés, de sympathie avec la communauté juive, de volonté de construire une région pluraliste et démocratique, il est néanmoins qualifié de raciste et de xénophobe. Aujourd’hui, c’est toute une population qui est accusée de pratiquer l’omerta pour protéger les auteurs de tags antisémites, alors pourtant que la réprobation de ces tags est absolument unanime et d’une sincérité indiscutable. Dans le souci de profiter de la situation pour salir une Alsace qu’ils exècrent, des responsables politiques voire universitaires n’hésitent pas à tenter de monter la communauté juive contre le reste de la population alsacienne.

La permanence de cet ostracisme anti-alsacien remonte en fait au retour de l’Alsace et de la Lorraine à la France. Une bonne part de l’opinion française n’a jamais digéré que « ces Alsaciens pour la libération desquels des millions de Français sont morts dans les tranchés »,  se refusaient à devenir d’emblée des français comme les autres et continuaient à pratiquer leur langue allemande, à revendiquer un droit différent, à refuser la laïcité française, et même à demander une organisation régionale propre. Ces Alsaciens étaient décidément non seulement dépourvus de gratitude, mais des forcenés rétrogrades et pour un bon nombre des traitres vendu à l’ennemi, comme allait le prouver leur collaboration avec le régime hitlérien. Dans cette rancœur anti alsacienne, la palme est revenue à la gauche socialiste et nationaliste. Depuis Herriot jusqu’à Hollande son souci permanent  a été de nier la spécificité alsacienne ou du moins de la déconsidérer. Face à cette hostilité de fond, la plupart des élites alsaciennes ont choisi de rallier les élus qui choisissent de conspuer le peuple qui les a élus, de chercher des excuses comme Frédéric Hoffet, ou de réduire l’Alsace à des cartes postales comme Hansi. On les comprend : tous ceux qui n’ont pas eu cette attitude prudente ont été rejetés comme anti français, obscurantistes et revanchards. Aujourd’hui, ils seraient en plus antisémites…

Ces accusations fallacieuses visant à faire taire les revendications légitimes des Alsaciens quant à l’avenir de leur région sont profondément anti-démocratiques. Les Alsaciens, fidèles aux valeurs humanistes, ne doivent plus se laisser intimider par ces méthodes. Elles finiront alors par se retourner contre ceux qui les utilisent.

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Non, il n’y a pas d’antisémitisme politique en Alsace !

Face aux insinuations concernant un soi-disant « antisémitisme alsacien » et aux tentatives récurrentes d’instrumentaliser des délits antisémites contre les revendications régionalistes, les messages suivants ont été présentés à la presse le 10 décembre dernier. Les DNA en ont d’ailleurs fait un excellent compte-rendu.

  • les profanations de cimetière sont des délits odieux qui doivent être sanctionnés sévèrement par la justice dès que les coupables seront arrêtés (sans mansuétude ni laxisme)
  • les commentaires associant l’Alsace ou les Alsaciens à ces faits commis par des individus sont inacceptables (culpabilité collective, ‘haine de soi’ anti-alsacienne, amalgame entre dialecte et nazisme, etc.)
  • le judaïsme fait partie intégrante du patrimoine culturel alsacien, et son statut juridique doit être respecté (comme celui des autres religions « reconnues »)
  • une politique d’enseignement de l’histoire et des langues régionales (y compris le yiddisch/judéo-alsacien) est la mieux à même de lutter contre la xénophobie, l’intolérance et l’antisémitisme
  • l’antisémitisme n’est pas « national » ou « régional », comme le prouve l’affaire Dreyfus (Juif alsacien…à la fois Allemand et Juif pour ses accusateurs), mais un phénomène qui ne connaît pas de frontières de pays ni de classe
  • il appartient à l’Etat, qui refuse tout transfert de compétence aux collectivités territoriales en matière pédagogique, d’inscrire dans les programmes scolaires l’héritage juif de l’Alsace (en partenariat avec la future CeA)
  • en cette période de Noël, les chrétiens savent les liens qui les unissent à la religion ‘aînée » et condamnent avec force les sentiments de haine contre ceux qui partagent la foi « originelle » de Jésus.       

Non, l’antisémitisme ne fait pas partie de l’identité politique et culturelle de l’Alsace. Notre projet pour l’Alsace vise à valoriser notre patrimoine sous toutes ses formes, y compris celui apporté par les religions qui coexistent pacifiquement sur nos terres. Et les élus du Grand Est qui instrumentalisent ces actes afin d’éteindre toute revendication alsacienne devraient avoir honte d’utiliser de telles méthodes.

Le sport, un enjeu pour l’Alsace

Tribune de Jacques Schleef publiée dans les DNA du 8/12/2019. L’auteur est secrétaire général du CPA, et ancien membre du conseil d’éthique de la LAFA (Ligue d’Alsace de Football).

Allez Elsàss ! La création de la Collectivité européenne d’Alsace ouvre la possibilité d’une organisation territoriale nouvelle pour les fédérations sportives des deux départements du Rhin. Il faut saisir cette chance pour doter le sport alsacien de structures renforçant son autonomie administrative et budgétaire, mais aussi d’un cadre politique adapté aux relations avec les collectivités publiques. Facteur d’identité culturelle et de cohésion sociale, le sport -qui rassemble des dizaines de milliers de pratiquants et de dirigeants bénévoles- est à l’image de la diversité et de l’ouverture de l’Alsace.

En raison de notre histoire et de notre ambition particulières, il faut plaider pour la seule solution permettant de mettre en place une « stratégie sportive » globale. Toutes les évaluations ont montré le formidable gâchis financier et humain du modèle hypercentralisé mis en place ; les sportifs tout comme les salariés des ligues commencent à en subir les effets pervers (hausse du prix de licences, licenciements et mobilité géographique forcée).

Une réflexion sur l’architecture du mouvement sportif est donc nécessaire, car les spécificités de chaque discipline (individuelle ou en équipe) et de son « terrain » (village ou agglomération, club ou salle privée) ne sont pas prises en compte correctement ; la fusion des instances départementales en une entité unifiée et sa sortie du « carcan » du Grand Est imposé en 2015 est une nécessité démocratique. Il y a 5 ans, l’Etat n’a pas laissé le choix au mouvement sportif – aujourd’hui, il peut et doit être le précurseur d’une Alsace nouvelle !

La CeA devra accompagner cette volonté, notamment en lui accordant les aides que le Grand Est refusera aux « sécessionnistes »; dès maintenant, les deux départements pourraient mettre en place un Comité de dialogue avec toutes les branches du sport (du tennis au football, en passant par l’escrime et le basket) pour relever ce défi. Rien ne serait pire que la dispersion, avec certains sports restant divisés en deux fédérations départementales, d’autres limitant leur regroupement à la CeA en restant dans la région et d’autres reprenant leur liberté. Il n’existe pas de sport « alsacien » au sens de la « pelote basque », mais nous avons néanmoins (grâce à la coopération transfrontalière, par exemple), un potentiel de développement spécifique.  

Afin que le sport en Alsace soit vraiment  l’expression de cette passion commune, c’est ce courage qu’il faut avoir pour bâtir des institutions méritant le nom « d’Alsace »…