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Osons fermer l’aéroport d’Entzheim !

Le monde d’après la crise sanitaire, sera différent. Il impose des choix courageux. En matière de transport aérien, l’aéroport de Strasbourg-Entzheim accueillait 1,3 millions de passagers par an avant le covid. Une fréquentation qui le classait déjà bien loin des principaux aéroports européens. La difficulté d’accès à Strasbourg est pourtant le problème n° 1 qui handicape le maintien du siège du Parlement Européen. Or avec un minimum de bon sens, il existe une solution à quelques kilomètres de Strasbourg, pour rationaliser les efforts écologiques et financiers et pour renforcer notre capitale alsacienne et européenne.

L’Etat (actionnaire à 60%) et les collectivités locales (Région, CEA, Eurométropole, actionnaires à 5% chacune) subventionnent déjà l’aéroport d’Entzheim dont ils sont propriétaires. Ils devront mettre encore plus de millions d’euros sur la table pour le renflouer et assurer son redémarrage après la fin de la crise sanitaire.

Or le transport aérien va changer. Une part grandissante de l’opinion publique se détourne de ce mode de transport gros consommateur de gaz à effet de serre par passager et le gouvernement lui-même souhaite supprimer les vols à moins de 2h30 en train (annonces de mai 2020). L’aéroport d’Entzheim n’a pas la fréquentation suffisante pour garantir un équilibre financier pérenne. Il ne propose pas suffisamment de liaisons intéressantes avec les grandes villes européennes, offrant surtout des destinations touristiques.

De fait, Strasbourg est entourée de 4 aéroports internationaux : Francfort à 200 km au nord (70 millions de passagers), Bâle-Mulhouse à 130 km au sud (8,5 millions de passagers), Luxembourg à 200 km à l’ouest (4,4 millions de passagers), Stuttgart à 140 km à l’est (12,7 millions de passagers) – chiffres de 2019. Et Entzheim, l’aéroport à 10 km du centre de Strasbourg, est aussi en concurrence directe avec le Baden Airpark à l’ouest de Baden-Baden, qui totalisait 1,1 millions de passagers en 2019, à moins de 40 km au nord de la cathédrale de Strasbourg.

Pour un seul aéroport Strasbourg-Karlsruhe

Regarder une carte montre l’évidence : il y a trop d’aéroports dans la haute vallée du Rhin !

C’est la géographie qui impose le périmètre pertinent pour organiser les transports. Le périmètre de la vallée rhénane est bien plus pertinent que la région Grand Est. Quant à l’échelle qu’impose le transport aérien, il ne justifie qu’un seul aéroport à équidistance entre Francfort et Bâle-Mulhouse… et c’est le Baden-Airpark ! Un aéroport qui se situe aussi à équidistance de Strasbourg et Karlsruhe, dont les aires urbaines approchent le demi-million d’habitants pour chacune d’elles.

Ne conserver que cet aéroport permettrait de dépasser les 2 millions de passagers par an, potentiel minimal pour des destinations intéressantes pour le Parlement Européen et gage d’une rentabilité plus assurée. Cette solution serait aussi et surtout préférable aux subventions publiques à répétition en Alsace et au Pays de Bade pour perfuser chacun son aéroport de part et d’autre du Rhin.

Mieux situé, le Baden Airpark n’est cependant pas bien desservi par les autres moyens de transport (pas de liaison en train, ni de bretelle autoroutière). Rappelons d’ailleurs que sur les 80 km qui séparent Strasbourg et Karlsruhe, il n’existe à ce jour aucun transport en commun qui traverse le Rhin !

Utilisons donc l’argent public pour des infrastructures logiques qui relient mieux Strasbourg à Karlsruhe en passant par le Baden Airpark. Dans les années 1990 et 2000, l’Alsace a raté par 3 fois (!) l’occasion de collaborer avec le Baden-Airpark, voire d’en prendre le contrôle. Ne ratons pas la 4e opportunité qui est celle du redémarrage d’après-crise pour organiser intelligemment nos transports et notre attractivité.

L’Alsace avec son aéroport tri-national sur ses terres au sud (Bâle-Mulhouse) peut montrer la voie d’une réelle coopération transfrontalière au nord, en se concentrant sur la création d’un seul aéroport transfrontalier. Entzheim pourra continuer à être utilisé pour l’aviation privée et le fret, et pour constituer une réserve foncière à vocation économique qui permettra à l’Eurométropole d’arrêter l’artificialisation des terres agricoles et naturelles.

Avec une nouvelle Collectivité Européenne d’Alsace qui permet de changer d’échelle, avec des élus favorables à l’action transfrontalière, et écologistes de part et d’autre du Rhin, osons !

Michel Lorentz, maire de Roeschwoog

Grand Est : un mauvais coup porté au tourisme en Alsace

par Catherine Graesbeck, qui a dirigé le développement du Comité Régional du Tourisme (94-96) et a animé la mission « Noël en Alsace » (1997-2015).


L’Agence d’Attractivité de l’Alsace (AAA) a présenté le « pacte de destination » touristique de l’Alsace à Obernai le 15 juin 2018. Ce pacte correspond à une stratégie marketing coordonnée par la région Grand Est, en collaboration avec des acteurs publics et privés du tourisme.

tourisme GE

Ecotourisme, un beau projet noyé dans l’appellation Grand Est

Même si ce qui est proposé correspond globalement à ce qu’il serait souhaitable de faire, il y a une chose qui ne convient absolument pas : tout est proposé sous l’entête « Grand Est ». Or chacun sait que les destinations touristiques, c’est la Lorraine, la Champagne, les Ardennes et évidemment l’Alsace. Au niveau tourisme, Grand Est ne signifie rien ! C’est même pire : Grand Est évoque la Sibérie dans l’imaginaire collectif…

Les excellents résultats du tourisme en Alsace sont le fruit d’une action longue, persévérante et intelligente pour installer durablement la destination Alsace dans le cœur et l’esprit des clientèles. Mais l’entrée en vigueur de la loi NOTRe est un vrai désastre pour le tourisme et stoppe l’élan qui était engagé.

J’ai l’impression de revenir 30 ans en arrière lorsque nous « phosphorions » sur les Pays d’Accueil, préfiguration de ce que pouvait être l’intervention publique dans l’aménagement du territoire et le développement touristique du milieu rural. Entre temps, l’expérience nous a montré que le rôle essentiel dans l’accueil et le développement du tourisme revient aux professionnels (hébergeurs, prestataires de services, guides, conseillers de séjour…).

Avec la loi NOTRe, les collectivités reviennent sur le devant de la scène dans un registre qui n’est pas le leur. ça leur fait perdre de l’énergie, du temps, de l’argent pour un résultat tout à fait hypothétique dont on verra au mieux quelques résultats dans 30 ans.

Entre-temps, nous avons aussi pu mesurer l’attachement des clientèles à la marque Alsace et à ses identifiants, nous avons pu mesurer combien il faut de temps, de présence constante et d’investissements pour gagner des points en fréquentation.

Car, enfin j’en viens à la question qui fâche : que dire de cette grande Région qu’on nous a imposée ? Elle nous porte préjudice à tous ! La Lorraine qui, dans le tourisme a fait des avancées magnifiques ces dernières années. La Champagne, les Ardennes qui sont des destinations à part entière, mondialement connues, et qui ne gagnent rien à être noyées dans ce conglomérat qui nuit à la proximité. La disparition du mot Alsace ou seulement sa mise au deuxième plan comme nous l’avons vu lors de différents événements (le salon du livre à Francfort, l’ITB de Berlin…) désoriente les visiteurs et les insécurise, ce qui est néfaste pour nos affaires.

Lorsque nous avions à conquérir des marchés lointains, à développer des grands axes ou travailler sur des thématiques (l’oenotourisme, le fluvial…) nous avons su établir des partenariats et mener des actions communes. C’était le pragmatisme et l’expression du terrain ; pas les grandes idées et constructions fumeuses.
Comment expliquera-t-on aux grands opérateurs sur le net, TRIPADVISOR et consort, que les classifications administratives nuisent à la fréquentation touristique, que la seule référence aux capitales régionales nuit à l’espace rural et qu’il faut conserver le nom des régions historiques, qui elles seules parlent au public.

Je m’interroge sur la compétence des personnes qui ont en charge la communication du Grand Est, à moins qu’elles ne soient simplement « aux ordres » de ceux qui veulent effacer l’Alsace… On a l’impression qu’il s’agit d’imposer vaille que vaille « Grand Est ». Et pourtant, en tourisme on ne peut être efficace au niveau des clientèles et des populations locales qu’en déclinant les régions historiques : La Champagne, la Lorraine, les Ardennes, l’Alsace. On nous avait d’ailleurs laissé entendre que Grand Est ne serait qu’une dénomination administrative. Alors, qu’en est-il vraiment à ce jour ?

En ce qui me concerne, je ne peux qu’adhérer aux propositions faites par les Présidents des 2 départements du Rhin, Brigitte Klinkert et Frédéric Bierry qui affirment que l’échelon départemental, ou plutôt celui de la future collectivité Alsace, est le plus pertinent pour assurer la pérennité du développement et le succès en matière de notoriété et de fréquentation.