par Catherine Graesbeck, qui a dirigé le développement du Comité Régional du Tourisme (94-96) et a animé la mission « Noël en Alsace » (1997-2015).
L’Agence d’Attractivité de l’Alsace (AAA) a présenté le « pacte de destination » touristique de l’Alsace à Obernai le 15 juin 2018. Ce pacte correspond à une stratégie marketing coordonnée par la région Grand Est, en collaboration avec des acteurs publics et privés du tourisme.

Ecotourisme, un beau projet noyé dans l’appellation Grand Est
Même si ce qui est proposé correspond globalement à ce qu’il serait souhaitable de faire, il y a une chose qui ne convient absolument pas : tout est proposé sous l’entête « Grand Est ». Or chacun sait que les destinations touristiques, c’est la Lorraine, la Champagne, les Ardennes et évidemment l’Alsace. Au niveau tourisme, Grand Est ne signifie rien ! C’est même pire : Grand Est évoque la Sibérie dans l’imaginaire collectif…
Les excellents résultats du tourisme en Alsace sont le fruit d’une action longue, persévérante et intelligente pour installer durablement la destination Alsace dans le cœur et l’esprit des clientèles. Mais l’entrée en vigueur de la loi NOTRe est un vrai désastre pour le tourisme et stoppe l’élan qui était engagé.
J’ai l’impression de revenir 30 ans en arrière lorsque nous « phosphorions » sur les Pays d’Accueil, préfiguration de ce que pouvait être l’intervention publique dans l’aménagement du territoire et le développement touristique du milieu rural. Entre temps, l’expérience nous a montré que le rôle essentiel dans l’accueil et le développement du tourisme revient aux professionnels (hébergeurs, prestataires de services, guides, conseillers de séjour…).
Avec la loi NOTRe, les collectivités reviennent sur le devant de la scène dans un registre qui n’est pas le leur. ça leur fait perdre de l’énergie, du temps, de l’argent pour un résultat tout à fait hypothétique dont on verra au mieux quelques résultats dans 30 ans.
Entre-temps, nous avons aussi pu mesurer l’attachement des clientèles à la marque Alsace et à ses identifiants, nous avons pu mesurer combien il faut de temps, de présence constante et d’investissements pour gagner des points en fréquentation.
Car, enfin j’en viens à la question qui fâche : que dire de cette grande Région qu’on nous a imposée ? Elle nous porte préjudice à tous ! La Lorraine qui, dans le tourisme a fait des avancées magnifiques ces dernières années. La Champagne, les Ardennes qui sont des destinations à part entière, mondialement connues, et qui ne gagnent rien à être noyées dans ce conglomérat qui nuit à la proximité. La disparition du mot Alsace ou seulement sa mise au deuxième plan comme nous l’avons vu lors de différents événements (le salon du livre à Francfort, l’ITB de Berlin…) désoriente les visiteurs et les insécurise, ce qui est néfaste pour nos affaires.
Lorsque nous avions à conquérir des marchés lointains, à développer des grands axes ou travailler sur des thématiques (l’oenotourisme, le fluvial…) nous avons su établir des partenariats et mener des actions communes. C’était le pragmatisme et l’expression du terrain ; pas les grandes idées et constructions fumeuses.
Comment expliquera-t-on aux grands opérateurs sur le net, TRIPADVISOR et consort, que les classifications administratives nuisent à la fréquentation touristique, que la seule référence aux capitales régionales nuit à l’espace rural et qu’il faut conserver le nom des régions historiques, qui elles seules parlent au public.
Je m’interroge sur la compétence des personnes qui ont en charge la communication du Grand Est, à moins qu’elles ne soient simplement « aux ordres » de ceux qui veulent effacer l’Alsace… On a l’impression qu’il s’agit d’imposer vaille que vaille « Grand Est ». Et pourtant, en tourisme on ne peut être efficace au niveau des clientèles et des populations locales qu’en déclinant les régions historiques : La Champagne, la Lorraine, les Ardennes, l’Alsace. On nous avait d’ailleurs laissé entendre que Grand Est ne serait qu’une dénomination administrative. Alors, qu’en est-il vraiment à ce jour ?
En ce qui me concerne, je ne peux qu’adhérer aux propositions faites par les Présidents des 2 départements du Rhin, Brigitte Klinkert et Frédéric Bierry qui affirment que l’échelon départemental, ou plutôt celui de la future collectivité Alsace, est le plus pertinent pour assurer la pérennité du développement et le succès en matière de notoriété et de fréquentation.