Par Jacques Schleef, fondateur du festival Summerlied.
Partout en Alsace, l’avenir de nombreuses fêtes locales paraît menacé. Historique (comme le Pfifferdaj à Ribeauvillé ou la Foire Simon et Jude à Habsheim) ou plus récente (à l’instar de la Streisselhochzeit de Seebach), ces manifestations font partie de notre identité culturelle; bien sûr, on peut y ajouter des événements folkloriques tels le Festival du Houblon à Haguenau ou le Corso fleuri de Sélestat, voire la Fête de la Bière à Schiltigheim…
Certes, les difficultés sont aggravées par la crise de la Covid-19, mais elles ont des racines plus profondes que les mesures d’interdiction de rassemblement public imposées depuis plus d’un an. Une réflexion d’ensemble est nécessaire afin de sauvegarder ce patrimoine essentiel pour la cohésion sociale, et qui constitue aussi une richesse touristique importante pour l’attractivité de l’Alsace.
Pour lutter contre le découragement de nombreux acteurs qui contribuent au succès de ces événements, une stratégie cohérente devrait être imaginée et mise en oeuvre par la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace, en partenariat avec les collectivités d’agglomération et les villes et villages concernés :
- les associations (qui fonctionnent sur la base du bénévolat) ne sont plus en mesure d’assumer les risques financiers et les responsabilités de sécurité qui résultent de l’organisation de ces fêtes; elles ont besoin d’un appui juridique et budgétaire professionnel, mais qui respecte leur autonomie de décision et l’esprit qui anime les participants.
- la qualité culturelle et même écologique constitue une autre préoccupation, face aux dérives commerciales fréquemment constatées (Christkindelsmarik). L’offre proposée aux visiteurs doit rester conforme aux valeurs traditionnelles et fondatrices de ces fêtes (ainsi, les Messti sont liés à l’anniversaire de la consécration des églises).
- une coordination territoriale paraît nécessaire pour la gestion du calendrier, afin d’éviter un télescopage chronologique; au contraire, un véritable itinéraire pourrait être construit du nord au sud de l’Alsace; plutôt que la concurrence, la complémentarité doit guider ces décisions.
- une fois débarrassée du « A-Coeur » et d’un logo ridicules, la CeA serait légitime pour en fixer les principes et les objectifs, par un soutien conditionné au respect d’un cahier des charges rigoureux et ambitieux ; c’est dans le cadre des « territoires » (Sundgau, Kochersberg, Hanauerland, Outre-Forêt, etc) que cette volonté pourrait à la fois s’ancrer et se déployer.
Après les élections de juin, des Assises de la Culture Populaire pourraient offrir un forum de dialogue pertinent pour définir une telle politique; elles devraient réunir les collectivités locales, les représentants du monde associatif et les entreprises du secteur (forains, marchands ambulants, etc), ainsi que des artistes et des experts pour élargir le débat.
In jedem Dorf soll e Masstibaùm stehn!