Mois: février 2016

Nom de la nouvelle région : la farce de la consultation

par Pierre Kretz, avocat honoraire au barreau de Strasbourg et écrivain. Tribune publiée dans les DNA du 27 février 2016.

“Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.” Et quand les mots pour dire les choses, cher Boileau, n’arrivent pas aisément ? C’est donc que la “chose” en question ne se conçoit pas bien ! C’est en tout cas ce que pense la grande majorité – 85 % en Alsace et à peine moins dans les deux autres régions fusionnées – des habitants de la “grande région” à propos de ce découpage absurde. Quant aux élus alsaciens, oserais-je rappeler que pas un seul d’entre eux, gauche et droite confondus, n’était favorable à la disparition de la Région Alsace ?

Et aujourd’hui, “une consultation citoyenne” est organisée autour du choix du nom de cet ensemble sans queue ni tête. Il s’agit, tenez-vous bien, de “mettre en place une démocratie territoriale innovante” !

Une telle consultation est à la fois ridicule et indécente.

Ridicule, car elle revient à laisser à des époux mariés de force le choix des fleurs qui seront disposées sur la table du repas de noce.

Indécente, car on tente de faire passer cette “consultation” pour un exercice de démocratie ; le président de la grande région allant jusqu’à prétendre que celle-ci serait un véritable “laboratoire de démocratie participative”. Il est permis d’en sourire quand on se souvient de l’énergie déployée par ce même président pour pousser sous le tapis les 117 000 signatures d’Alsaciens opposés à la grande région. Ce chiffre est à comparer aux 190 000 voix obtenues en Alsace par la liste Richert au premier tour des régionales, voix obtenues grâce aux moyens de la puissante machine du parti LR ainsi qu’à une crainte, hélas justifiée, d’une victoire du FN. Alors que les 117 000 signatures, elles, émanaient de citoyens inorganisés et sans moyens, scandalisés par l’invraisemblable mépris de la démocratie, de l’histoire et de la géographie révélé par cette réforme.

Déni de démocratie

Ce déni de démocratie est encore plus éclatant depuis que le président de la République a annoncé que pour l’aéroport de ND des Landes et le barrage de Sivens, il y aurait des référendums… que personne n’avait demandés.

Cet épisode pitoyable de la dénomination de la grande région n’est qu’une illustration d’un mal profond qui ronge notre République : celui d’un fossé grandissant entre le ressenti d’une population et ce qui se décide dans les cabinets ministériels, entre les attentes des citoyens et une représentation politique qui a renoncé à la noblesse de sa mission.