Mois: Mai 2024

Lettre des maires pro-Grand Est à Macron : un ramassis d’inepties

36 maires de la Région Grand Est ont écrit à Emmanuel Macron pour lui demander de s’opposer au retour de la Région Alsace (voir ci-dessous), la veille de sa visite à Strasbourg le 26 avril 2024. Parmi eux figurent 7 maires de villes alsaciennes :

  • Jeanne Barseghian (Strasbourg)
  • Bernard Fischer (Obernai)
  • Gilles Frémiot (Heidwiller)
  • Pia Imbs (Holtzheim et président de l’Eurométropole de Strasbourg)
  • Stéphane Leyerberger (Saverne)
  • Michèle Lutz (Mulhouse)
  • Claude Sturni (Haguenau)

Outre les combines politiques et intérêts carriéristes qui se cachent derrière cette lettre (censée rester secrète !), penchons-nous sur les arguments mis en avant pour convaincre le président de la République de ne pas redonner un statut régional à l’Alsace.

Une argumentation fallacieuse

A vrai dire, il n’y a qu’un seul élément mis en avant pour tenter de justifier le périmètre Grand Est, à savoir que « les soutiens régionaux en investissement n’ont jamais été aussi importants », et notamment dans les transports ferroviaires.

Sauf que cet argument est parfaitement fallacieux. Les dépenses de toutes les régions françaises – fusionnées ou non – ont augmenté ces dernières années à hauteur de leurs recettes qui viennent des dotations de l’Etat et d’une partie des impôts nationaux. Cela n’a absolument rien à voir avec un effet de taille. La seule chose qui a été démontrée à ce jour par divers travaux, c’est que la fusion n’a pas généré les économies promises. Au contraire, la grand taille induit plus de complexité, ce qui débouche sur des surcouts désormais bien identifiés.

Un mauvais coup porté à la vocation européenne de Strasbourg

La lettre mentionne également le fait que le Grand Est « aussi la Région qui porte Strasbourg ». Faut-il rappeler que Strasbourg doit son rôle de capitale européenne au fait qu’elle soit la capitale emblématique de l’Alsace et de son histoire singulière ? Depuis la fusion des régions, la ville se fait littéralement siphonner de ses institutions régionales, qui prennent la fuite pour s’installer de l’autre côté des Vosges (ARS, rectorat académique, etc.). Ce déclassement est dramatique, d’autant plus qu’il se produit sous le regard de 90 représentations diplomatiques et consulaires présentes dans la ville. Renforcer l’Alsace, c’est au contraire solidifier les institutions régionales à Strasbourg, et ainsi renforcer le statut européen de Strasbourg. Que la maire de Strasbourg et la présidente de l’Eurométropole signent cette lettre relève d’une bêtise ahurissante.

La région Alsace, une menace à l’unité de la République ?

Le dernier argument professé est le plus risible. Le redécoupage entrainerait une « fragmentation de l’action et de l’unité républicaine », rien que ça ! Dans le monde entier, la norme est de reconnaitre institutionnellement les régions historiques, sans que cela ne menace en rien l’unité nationale. On ne voit pas en quoi l’Alsace serait moins française si elle retrouvait sa place sur la carte des régions de France.

Au final, cette lettre vide de sens est d’une pauvreté affligeante. L’absence d’argumentation de la part des thuriféraires du Grand Est est néanmoins instructive, dans le sens où elle constitue une nouvelle preuve de l’inanité de la fusion des régions. Les maires qui l’ont signé n’en ressortent pas intellectuellement grandis.