Discours de Richard Weiss lors de l’AG de l’Association FILAL, 10 septembre 2016. Membre du CPA, Richard Weiss est un pionnier des écoles bilingues en Alsace.
Liewwi Friend !
Il y a 25 ans , à la rentrée scolaire de 1991, un quart de siècle presque jour pour jour, l’ Association pour le Bilinguisme en Classe dès la Maternelle ABCM-Zweisprachigkeit, présidée par Tomi UNGERER, ouvrait les 5 premières classes maternelles bilingues à parité horaire de l’histoire de l’Alsace, et cela grâce au soutien des associations culturelles et des élus ( conseillers municipaux, généraux, régionaux, maires, députés et sénateurs) qui le réclamaient à l’unanimité depuis… 1918 à l’administration de l’Education nationale.
Il y eut évidemment, comme à chaque nouveauté en France, car « en France on veut des changements mais on a peur des nouveautés » ,une levée de boucliers, des protestations venant des éternels jacobins corporatistes. Mais 2 ans après le « Mur de Berlin », chez nous en Alsace puis en Moselle, c’est le « mur du monolinguisme » qui tombait enfin !
A la rentrée suivante, en 1992, grâce à la nomination de M. Jean-Paul de Gaudemar, un recteur jeune, intelligent et sans complexes, l’Education nationale nous emboîtait le pas et ouvrait les premières classes publiques (c’est bien la preuve qu’il faut commencer…) Ce recteur a même essayé de pousser la logique pédagogique jusqu’au bout en proposant :
- un plan de développement de l’enseignement bilingue au primaire,
- la création d’ UN site bilingue par secteur de recrutement de collège et lycée,
- des formations professionnelles spécifiques pour les futurs enseignants qui seraient nécessaires. Comme nous avons 125 établissements, cela signifiait à terme 125 classes à 8 niveaux, de la 6ème au bac, soit 1000 classes bilingues à parité !
Aujourd’hui nous sommes loin du compte malgré les pourcentages de 10 à 15% d’enfants bénéficiant de cet enseignement dans les différents types d’établissements primaires : publics, privés catholiques et associatifs ABCM-Zweisprachigkeit.
Certes il y a des classes en collège mais en nombre insuffisant et elles ne sont pas paritaires (certains enfants n’ont que 7 heures d’allemand et EN allemand par semaine !). De plus, le problème de la formation et du recrutement des enseignants n’est toujours pas réglé, alors qu’on nous disait que dès 1992 tous les ressortissants européens diplômés pourraient enseigner en France, donc dans l’Académie de Strasbourg !
Ce qu’on peut dire, pour conclure cette 1ère partie, c’est que si toutes les familles demandeuses d’enseignement bilingue avaient obtenu satisfaction pour leurs enfants, nous ne connaîtrions pas un taux de chômage de plus de 10%, unique dans l’histoire de notre région, Région Alsace qui a même disparu administrativement alors qu’elle est la seule région de France à continuer à financer les « Contrats de plan Etat-Région pour le développement de l’enseignement de l’allemand dans l’académie de Strasbourg » ! En somme : tout l’argent de nos collectivités – donc le nôtre – retourne à l’Etat !
Mais le constat le plus grave est la non-prise en compte de notre dialecte par l’Education nationale,qui continue à présenter l’allemand, le Hochdeutsch, comme une langue étrangère, comme « la langue de Goethe, la langue du voisin », alors que c’est aussi la langue de nos Prix Nobel Albert SCHWEITZER et Alfred KASTLER, la langue d’écrivains comme André Weckmann et le prolongement naturel de notre dialecte alsacien.
Selon une étude de l’OLCA, seuls 3% de nos enfants comprennent encore le dialecte en arrivant à l’école (et le perdent au bout de quelques mois, car ils sentent qu’il n’y a pas sa place, qu’il n’y est pas reconnu, si ce n’est pire !). Les textes officiels parlent en effet de simples « activités périscolaires »,ce qui est un moyen pratique pour l’évacuer des programmes. Ainsi, chacun peut faire ce qu’il veut et personne ne fait rien !
Comme au Luxembourg , au Québec,en Suisse et dans toutes les autres régions de France ayant une langue historique (Bretagne,Pays basque et catalan, Occitanie) nous proposons :
- un saut quantitatif (l’immersion toute la journée) avant et pendant la scolarité maternelle, que ce soit dans des mini-crèches, des « Bubbalaschuala, des Kindergàrte, Bubbitànz, Vorschulen, Storicke-neschtla ».
- puis un transfert naturel à la langue standard, die Dachsprache, le Hochdeutsch (lors du passage à l’écrit) avec évidemment poursuite d’activités en dialecte et introduction du français, dès que les enfant sauront lire et écrire en allemand, au CE1 ou CE2, comme cela se fait avec succès dans les autres régions de France.
Car rappelons que c’est grâce à l’immersion que nous les petits Alsaciens avons appris le français (et non à des doses homéopathiques et au périscolaire).
Comme le répète depuis des années M. Thierry KRANZER , l’immersion scolaire, c’est aussi LE modèle français car dans le monde entier. En effet, si une école veut obtenir le cachet, le label et les subventions du « Ministère de la Francophonie » , elle doit appliquer l’immersion scolaire complète ! Nous ne voyons pas pourquoi ce qui est valable dans le monde entier pour le français ne le serait pas pour notre langue qui, comme le français, nous met en contact avec 100 millions de locuteurs germanophones tout autour de nous.
Autant il était anormal qu’il n’y ait pas de maternelles bilingues « français-allemand ,langue régionale » en 1990, autant il est anormal qu’aujourd’hui il n’y en ait pas encore en immersion complète en alsacien !
Tous ces enfants sortiront parfaitement bilingues de nos écoles en immersion et seront fiers d’être des Alsaciens et des citoyens européens du XXIème siècle !