par Jean-Philippe Atzenhoffer, docteur en économie de l’université de Strasbourg. 22 juillet 2016.
Philippe Richert et Manuel Valls ont cosigné un document prévoyant la mise en place d’une « Taxe Spéciale d’Equipement Régionale » (TSER). Il s’agit d’une nouvelle taxe sur les ménages et les entreprises qui s’ajoutera à la taxe foncière pour 600 millions d’euros. Prélevées dès 2017, les recettes alimenteront les caisses des nouvelles régions.
Silencieusement avalisée le 27 juin 2016 (durant l’Euro de football…), la nouvelle taxe suscite depuis de vives réactions. Si Philippe Richert se déclare »satisfait de cet Acte II qui permet notamment de fixer des bases financières dans la relation Etat/Régions », d’autres sont moins enthousiastes. Le président de la Région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a démissionné de l’Association des Régions de France (ARF) en dénonçant la »folie fiscale » de Richert et du gouvernement. Par ailleurs, une pétition contre cette taxe a recueilli près de 30 000 signatures.
Dans ces conditions, que penser de la création de cette nouvelle taxe régionale ?
Des prélèvements déjà très élevés
Globalement, on constate que la France a un taux de prélèvement obligatoire (cotisations, impôts et taxes) bien plus élevé que la moyenne des pays développés.
En 2013, le taux de prélèvement était de 45% en France, contre seulement 33,7% dans l’OCDE. Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur le niveau de taxation optimal, on peut s’inquiéter sur les conséquences négatives d’une fiscalité élevée sur les couts de production en France. Conscient de ce problème, le président de la République avait d’ailleurs annoncé que les impôts n’augmenteraient pas en 2017. Cet objectif est néanmoins mis à mal par la création de la nouvelle taxe régionale.
L’autre problème est qu’en créant sans cesse de nouvelles taxes, on les empile les unes sur les autres, en complexifiant et rendant le système fiscal rebutant et illisible. Ceci engendre des couts de gestion et de l’instabilité qui décourage l’investissement. Les entreprises sont soumises à pas moins de 233 prélèvements différents. Résultat, le cout de collecte est très élevé. Sur un échantillon de 57 taxes, la Cour des Comptes l’estime à plus de 5 milliards d’euros en 2014.
Par conséquent, au lieu de créer de nouvelles taxes pour financer les régions, il faudrait rediriger des ressources fiscales déjà existantes, et diminuer les dépenses peu utiles ailleurs (et il y a de quoi faire si on suit les recommandations de la Cour des Comptes).
De l’argent, mais pour quoi faire ?
Selon l’ARF, La nouvelle taxe devra servir à soutenir le développement économique et l’accompagnement des PME (Petites et Moyennes Entreprises) et des ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire). Autrement dit, il s’agira de taxer entreprises et ménages pour distribuer des subventions aux entreprises, en favorisant certaines au détriment des autres.
Mais au fait, pourquoi faire ? Quel problème cherche-t-on à résoudre ? Si les pouvoirs publics interviennent pour favoriser un secteur ou une entreprise au détriment des autres, c’est que le fonctionnement naturel du marché pose problème, et qu’il faut effectuer une correction.
L’aide aux PME est parfois justifiée sous le prétexte qu’elles ont un accès insuffisant au financement. Cette question fait toutefois débat, comme le souligne le Nobel d’économie Jean Tirole (Economie du bien commun, 2016). Les PME disposent déjà de nombreux dispositifs d’accompagnement publics (FIP, FPCI, CDC, OSEO, BPI France, etc.), dont la complexité ahurissante transforme les entreprises en chasseurs d’aubaines. Selon Tirole, ce dont ont besoin les entreprises, ce ne sont pas des taxes et des subventions supplémentaires, mais de lever les entraves que la puissance publique dresse sur leur route (effets de seuil, retard de paiement des commandes publiques, règles des faillites, etc.).
Ainsi, si les régions françaises devaient obtenir de nouvelles ressources, elles devraient être affectées à des missions utiles d’intérêt général (éducation, infrastructures, etc.) ; pas à des interventions hasardeuses dont l’expérience a montré au mieux l’inutilité, au pire l’échec.
La taxe : symbole de l’échec de la fusion des régions
Que ce soit du côté des prélèvements ou du côté des dépenses, cette nouvelle taxe régionale n’a pas de justification économique. Alors, pourquoi en est-on arrivé là ?
Très simplement, la taxe est le résultat d’une réforme territoriale incohérente. En fusionnant les régions, le gouvernement tablait sur d’illusoires économies, pourtant contestées par les économistes et de géographes (dont nous nous faisions l’écho dans cet article). Au lieu de réaliser des économies, la réforme territoriale crée des problèmes qui n’existaient pas avant, engendrant de nombreux surcouts. Surcouts qui se traduisent au final… par de nouvelles taxes.