L’ancien ministre Daniel Hoeffel, 86 ans, une mémoire vivante de plusieurs décennies de vie politique alsacienne, a inauguré le cycle de conférences du Club perspectives alsaciennes en proposant son analyse – très critique – de la récente réforme territoriale.
Au cours d’un exposé structuré et précis, il a retracé l’historique des réformes des collectivités territoriales depuis 1966 (année de la création des communautés urbaines) jusqu’à la loi « Notre » promulguée en août 2015. Celui qui fut de 1993 à 1995 ministre délégué chargé de l’Aménagement du territoire et des collectivités locales tire une leçon de ces réformes : « La clé de la réussite a toujours été la consultation de la base. » Se situant au-delà de la politique partisane, ce centriste convaincu a reconnu que les lois Mitterand-Deferre de 1982 « allaient dans le bons sens ». Il a rappelé son attachement à la décentralisation et a émis le souhait de voir un jour les régions dotées de « pouvoirs régaliens » et puissent, par exemple, mener leurs propres politiques en matière d’éducation (comme le font les Länder allemands).
Le « miracle » de la conversion des élus alsaciens
Daniel Hoeffel a vivement déploré que la loi « Notre » et le redécoupage des régions n’aient donné lieu à aucune consultation. Cette réforme s’est faite d’après lui dans l’ « improvisation et sur la seule décision du président de la République alors qu’il aurait fallu deux ou trois années de débats préparatoires ». Il juge la future région ACAL « vide de contenu et de liant entre ces parties ; la cohérence d’une région dépend du tissu social, elle ne peut pas se faire par un simple trait de plume ». Il a aussi regretté que le redécoupage « ne tienne nul compte de notre ancrage rhénan ». L’ancien maire de Handschuheim (1965-2008) a ironisé non sans humour sur le « miracle » qui a conduit les élus alsaciens, d’abord hostiles à la disparition politique de l’Alsace, à s’y rallier massivement…
Il est revenu sur le recours qu’il a déposé au Conseil d’Etat, avec le juriste Robert Herzog, pour demander l’annulation de la réforme. « Je ne regrette rien, j’ai fait ce que ma conscience m’ordonnait de faire. Est-ce fou d’attendre de la France qu’elle respecte la charte européenne de l’autonomie locale qu’elle a signée ? Je m’incline devant la décision du Conseil d’Etat mais je ne peux m’empêcher de trouver étranges les arguments avancés par ce dernier. »
Des « convergences possibles » avec Unser Land
Interrogé sur ses relations avec Unser Land et sa tête de liste Jean-Georges Trouillet, il a affirmé, en choisissant bien ses mots, qu’il existe des « convergences possibles » autour d’un certain nombre d’objectifs pour l’avenir. Il a qualifié de « totalement imprévisibles » les élections du mois de décembre et s’est gardé de tout pronostic quant aux résultats.
Daniel Hoeffel ne croit pas à l’inéluctabilité de ce découpage arbitraire et croit qu’il est possible de (re)créer une collectivité Alsace forte qui pourrait avantageusement s’ « arrondir » du côté de la Moselle ou de la région de Belfort-Montbéliard. « Il faudra revenir sur cette réforme. Nous aurons peut-être l’occasion de faire un point d’ici moins de temps qu’on ne le pense… »