Le Grand Est s’affiche partout, tout le temps. En 2018, la région va dépenser près de 9,5 millions d’euros en communication, soit une hausse de 23% en deux ans !
Les dépenses de communication recouvrent des activités diverses, comme les fêtes, les réceptions ou l’achat d’espaces publicitaires. Une bonne partie – 2,8 millions d’euros – sera dépensée pour l’achat d’espaces publicitaires dans les journaux, à la télévision, la radio et le web.
Les dépenses communicationnelles du Grand Est apparaissent élevées en comparaison avec les autres régions dont les comptes administratifs sont disponibles (Bretagne, Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Ile-de-France, Centre-Val-de-Loire). Dans ces autres régions, elles fluctuent autour de 5 millions d’euros, soit un niveau bien inférieur à celui du Grand Est.
Par ailleurs, les dépenses de communication sont en réalité supérieures à celles affichées dans le budget car la région en maquille certaines opérations en affectant le financement dans d’autres comptes. La péniche Grand Est à 180 000 euros ? Du soutien à la culture ! Les 120 000 euros donnés à des sportifs pour réaliser la promotion du Grand Est ? Du soutien au sport ! On pourrait multiplier les exemples, même s’il est difficile d’en évaluer l’ampleur globale.
Comment expliquer la dérive de ces dépenses dans la région Grand Est, à l’heure où l’État impose pourtant un plafonnement des dépenses des collectivités locales ?
Une fuite en avant
Officiellement, l’objectif de ce matraquage publicitaire est de « créer de la confiance dans la nouvelle collectivité » et de « promouvoir la Région Grand Est en mettant en avant ses atouts à même de développer son attractivité en France et à l’international » (rapport du 21 décembre 2017).
Voilà donc que la région se préoccupe de la confiance des habitants dans la collectivité, en s’imaginant qu’on peut rétablir une profonde crise démocratique avec des opérations de communication. La situation est ubuesque. Alors que les sondages montrent que le rejet du Grand Est est toujours aussi massif en Alsace, ces dépenses s’apparentent à une véritable fuite en avant. Plus on affiche le Grand Est, plus cela irrite les gens, et plus le Grand Est dépense en retour pour les forcer à se « Grandestiser ». Un cercle vicieux, et ruineux !

1,4 millions d’euros pour les publicités dans les journaux en 2018 (photo : annonces dans les DNA en mai 2018).
Le seul moyen de retrouver la confiance, c’est de répondre aux aspirations légitimes des citoyens. Une région qui inspire confiance, c’est une région basée sur la cohérence géographique, culturelle, historique et économique ; c’est une région qui parle au cœur des gens. Pour les Alsaciens, cette région, c’est la région Alsace. Nul besoin de dépenser des millions d’euros pour reconnaître une telle évidence.
Quant à la question de l’attractivité, « Alsace », « Lorraine », « Champagne » sont positivement connues dans le monde entier. C’est la meilleure base à partir de laquelle on peut bâtir une politique d’attractivité (export, tourisme, partenariats) au profit de tous. Une appellation aussi insipide que « Grand Est », qui transpire la bureaucratie et la technocratie, ne pourra jamais développer une image aussi positive. S’ils étaient vraiment soucieux du bon usage des fonds publics, les élus régionaux assureraient la valorisation de l’image des trois régions, au lieu d’en effacer la visibilité.
Afficher l’identité du Grand Est
Mais l’excès de zèle en matière de communication peut s’expliquer par un autre objectif : la volonté de créer une identité du Grand Est. En effet, alors que les élus promettent aux citoyens de ne pas toucher aux identités régionales, qu’il ne s’agit que d’une fusion administrative, les discours au sein de l’assemblée régionale sont d’une autre nature. L’ancien président Philippe Richert a affirmé à plusieurs reprises vouloir construire l’identité du Grand Est. Lors de la dernière commission permanente du conseil régional (29 juin 2018), Jean Rottner lui emboîte le pas en annonçant l’objectif d’afficher l’identité du Grand Est, en particulier auprès des jeunes. Pour ce faire, la région va acheter pour 400 000 euros de panneaux Grand Est à placer dans les lycées, partant du principe que l’esprit des jeunes est plus facilement manipulable.
Ainsi, il apparaît clairement que la région tente d’imposer une nouvelle identité à grands coups de dépenses publicitaires. Ceci est complètement absurde. Comment une communication tous azimuts pourrait-elle combler l’absence d’histoire ou de culture commune ? Comment pourrait-elle effacer le déni de démocratie qu’a constitué la fusion forcée ?
Une région fondée sur une véritable identité comme l’Alsace n’a pas besoin de s’afficher partout. Elle rayonne d’elle-même naturellement. Quant à la région Grand Est, elle tente de combler artificiellement ce manque en inventant de nouvelles dépenses, en pure perte. Combien de millions d’euros seront gaspillés avant qu’on se rende compte d’une telle inanité ?