Traduction – trahison ?

La polémique à propos de plaques de rues bilingues en Alsace, et tout particulièrement à Colmar reflète des clivages idéologiques et psychologiques anciens : la « honte » devant l’identité historique de l’Alsace, ancrée dans la culture allemande. Sans revenir à Fréderic Hoffet (Psychanalyse de l’Alsace, 1951), de nombreux habitants continuent à nier l’évidence en se « drapant » dans un patriotisme outragé… En réalité, les jeunes générations, qui ont largement abandonné le dialecte, se désintéressent de la question toponymique et les touristes y sont indifférents, l’enseigne d’un restaurant étant plus importante que son adresse (sauf pour la localisation GPS !).

Quand on parle de « traduction », il faudrait s’entendre sur la langue initiale. En Alsace, les parties les plus anciennes de nos villes et villages ont toujours porté des noms en alsacien, avec une graphie le plus souvent en allemand. Ce n’est qu’au fil du temps que des termes français ont été introduits, parfois sur la base d’une traduction approximative, voire fausse. A Strasbourg, les exemples abondent, le plus stupide étant la « Rue du Dôme », Münstergasse jusqu’en 1918, devenue « Rue de la Cathédrale » au retour à la France, puis « Domgasse » en 1940 (Hochdeutsch) et enfin en 1945, la dénomination actuelle (traduction de dictionnaire) sans la moindre coupole à l’horizon.

Pour être clair : les termes français sont des traductions de l’original en alsacien/allemand – et non l’inverse. Face aux gesticulations les plus chauvines, les responsables municipaux doivent expliquer qu’il ne s’agit pas de traduire, mais de compléter par l’appellation authentique l’information du promeneur. L’important est d’ailleurs l’utilisation par la population et les services administratifs de l’un ou de l’autre nom, qui devrait également être référencé par les moyens de guidage électronique. Du reste, la question des noms de lieu se pose également pour le cadastre où un « topocide » est en cours dans le silence général (remembrement, dite numérisation du Livre foncier, etc.). Un vaste chantier de protection et de valorisation pour l’OLCA !